Un petit bout de Cambodge

Le réveil sonne, il est 6h30. Il est temps de filer. On pack les sacs, l'air conditionné offre de nous rafraîchir quelques secondes encore. Nous savons que lorsque nous descendrons les marches, déjà Bangkok nous étouffera de sa chaleur.


Cela parait-il sera pire au Cambodge, là ou nous faisons route. Christian and Julia charmant jeune couple allemand nous accompagnent sur ce trajet. Leur compagnie fut formidable.


Lorsque nous arrivons à la frontière, je suis pris d'un formidable sentiment d'excitation, quand sur l'arche de l'office, il orne, écrit en lettre capitale: KINGDOM OF CAMBODIA.

 

Nous passons la frontière thaïlandaise, décrochons le visa cambodgien et en route pour les temples d'Angkor. Sous nos yeux, des rizières à pertes de vue et quelques palmiers ici, là pour tout relief.

 

Sous un masque protecteur, les Cambodgiennes arpentent les routes se protégeant ainsi des bécanes qui défilent sur ces routes de terre ocre et qui laissent dans leur sillage un épais nuage de poussière. Ici-bas, il y a comme une impression de FAR WEST.

 

À l'hôtel, quand nous arrivons Lucia patiemment nous attend, sirotant un jus de fruit. Nous nous posons pour enfin prendre le temps que nous souhaitions pour discuter. Demain commence la visite des temples. Il sera temps de survoler l'histoire de ce pays. De la majesté de ces mêmes temples, à l'atrocité des exactions commises par les khmers rouge.

On s'avale le petit déjeuner cahin-caha, puis on se met en selles. Sept petits kilomètres plus tard sous un soleil de plomb, enfin, nous sommes à Angkor. Le territoire semble aussi grand que le ciel bleu azur qui flotte au-dessus de nos têtes. Je suis surpris ici par la quiétude qu'il nous arrive de trouver. Alors que l'on nous promettait une cohorte de touristes. Il n'est pas rare que nous soyons seuls a profiter de la fraîcheur d un chemin ombragés, ou encore d un bien plus que généreux bain de soleil sur le toit d un des temples par ci, par la.

 

Si d'Angkor, je garde une carte postale imprime dans ma tête. Du Cambodge, je porte dans mon cœur, ce récit laissé par LOUNG UNG comme un témoignage à l'histoire du temps ou Pol Pot fit régner sa propre version de la Terreur. Ce livre narre, toute l'horreur que peut vivre une gamine qui n'a alors que 5 ans. Du départ force de Phnom Phen un soir de juin 75, aux conditions de vie spartiate dans les camps de travail ou tout manque, en passant par les disparations tragique un à un les membres de sa famille. Une soirée plus tard, j'ai fini ce journal d'Anne Franck local.

 

J'ai depuis régulièrement une pensée émue pour cette gamine, qui maintenant est une femme. Ce que je ne sais pas encore, c'est que demain une autre de ces gamines aux allures parfois indienne, viendra se poser dans mes pensées aux cotes de LOUNG UNG. 

 

Il serait inexact de dépeindre les temples d'Angkor sans mentionner la farandole de conseillers en restaurant, vendeurs de bibelots, fabricants de breloque, peintre, etc, etc. Leur stratégie de vente est la même que ma technique de drague, insister, insister, insister et encore insister, ainsi, il arrive parfois que prit de pitié la proie finisse par dire oui. Dans ce cortège, les vendeurs ont comme dans une bonne chanson de Michel Sardou entre 7 et 77 ans,  à la différence près qu'ici c'est la maladie d'argent et pas d'amour qui court dans le cœur des enfants.Il faut reconnaître que le spectacle d'enfants qui travaillent est vachement moins agréable que celui des temples. Mais ici, dans ses sanctuaires dédiés au tourisme de masse, impossible de dissocier l'un de l'autre.Toujours dans cette logique nord, sud, nous sommes l'argent qu'ils n'ont pas et ils sont l'exotisme qui manque à nos vies. Alors parfois dans notre grande mansuétude, nous jugeons bon de les prendre en pitié. Prit dans un élan d'humanisme, nous faisons don de somme absolument... dérisoire. Fort heureusement, nous espérons que cela sera d'un grand secours pour eux.

 

Une journée complète à repousser les assaillants, les yeux dans les yeux, je suis un monstre j'ai tout refusé, besoin de rien, envie de rien et surtout pas d'entretenir ce système. Si il vous prend l'envie d'être généreux, je vous invite à l'être en choisissant une ONG, une association de qualité qui travaille sur le terrain et dont le travail aidera encore mieux ces populations.

 

Pourtant bien qu'avertit, j'ai fauté, j'ai donné, je le confesse. Et c'est face à une mioche de 12 ans à peine que j'ai cédé. J'ai pourtant refusé, une fois, deux fois, trois fois et plus encore, rien à faire accrocher comme une moule à son rocher elle ne lâche pas. Tour à tour, elle égraine les artifices de son sac à malice. Un sourire qui se veux désarment, une moue dubitative du genre Punky Brewster et comme un hommage à ma personne une bonne tête de chien qui chie. Mais que dalle, que dalle, je reste de marbre. Difficile de définir, ce qui la motive le plus. Est-ce vraiment l'argent où l'orgueil de gagner cette bataille ?

 

Ce qui sera sa dernière tentative me portera l'estocade. Elle approche, puis dans un anglais irréprochable, me dit ceci : Ok we play a game, and if I Win You buy me something. Fair enough, j'accepte. Sur le sable, elle dessine alors avec autorité le nécessaire a une partie de morpion. Naïvement je souris, pensant que celle-ci n'a aucune chance. Les croix pour elle, les ronds pour moi.

 

En moins d'une minute, ces trois premières croix posées plus tard, je réalise que je suis cuit. Cette bougresse m'a refait ce que Jimmy Andre appelé le coup du loup puant lors de nos interminables parties en première STI. Ce coup, une nouvelle fois me met au tapis.

 

Bon voilà, c'est la loose, je m'incline et lui file son dollar, elle l'a gagné après tout. Ce qui fait chier, c'est de renforcer cette idée qu'à 12 ans ou moins, ou plus, il est normal de partir chaque matin un sac en osier sous le bras plutôt qu'un cartable.  Pas certain, que même Tom Sawyer aurait signé pour cette école buissonnière. 

 

Souvent,  je pense à cette gamine, aux enfants comme Loung Ung et à bien d'autres, qu'on a dépossédé du sacré : l'enfance.


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